Séisme en Turquie : trois médias turcs sanctionnés pour avoir critiqué le pouvoir

mis à jour le Mercredi 22 février 2023 à 18h08

 

 

Le gouvernement du président turc, Recep Tayyip Erdogan, est vivement critiqué par l’opposition et des médias indépendants pour son absence et le manque de réaction pendant les premiers jours dans des localités dévastées par le tremblement de terre du 6 février.

Le Conseil supérieur de la radio-télévision de Turquie, RTUK, a sanctionné, mercredi 22 février, trois chaînes de télévision qui avaient critiqué le gouvernement pour sa gestion des conséquences du séisme qui a frappé le sud du pays le 6 février.

Les chaînes Halk TV, Tele1 et Fox TV ont été condamnées à des amendes et à des suspensions de programmes pour « les informations et commentaires qu’elles ont diffusés à propos du séisme », a annoncé sur Twitter Ilhan Tasci, un membre du RTUK élu par l’opposition.

Halk TV et Tele1 ont été condamnées à une amende correspondant à 5 % de leur chiffre d’affaires du mois de janvier, ainsi qu’à la suspension pendant cinq jours d’une de leurs émissions quotidiennes. Une autre amende correspondant à 3 % de leur chiffre d’affaires de janvier a été infligée à Halk TV et à Fox TV.

Les trois chaînes sont connues pour leur ligne éditoriale critique envers le pouvoir du président turc, Recep Tayyip Erdogan, Halk TV étant spécialement proche du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple, le CHP (centre gauche, laïque).

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« Encore une fois, le RTUK ne nous surprend pas en nous sanctionnant. Ceux qui sont arrivés au pouvoir en critiquant la répression interdisent maintenant tout et attendent qu’on leur obéisse. (…) Halk TV va continuer à informer et la Turquie ne restera pas sans nouvelles », a réagi sur Twitter Cafer Mahiroglu, le patron de Halk TV.

« Agissant comme une commission de censure, le RTUK ne parviendra pas à cacher la vérité en sanctionnant les chaînes qui reportent le malheur de la population dans la région touchée par le séisme. Le RTUK commet un crime en ignorant le droit de la population à être informée », a pour sa part déclaré le président de l’Association des journalistes de Turquie, Nazmi Bilgin.

Le gouvernement turc est vivement critiqué par l’opposition et des médias indépendants pour son absence et le manque de réaction pendant les premiers jours dans des localités dévastées par le séisme d’une magnitude de 7,8. Ces critiques surviennent à trois mois de l’élection présidentielle, prévue pour le 14 mai.

M. Erdogan avait reconnu la semaine dernière des « lacunes » dans l’organisation des secours, tout en insistant sur l’énormité du tremblement de terre.

« Leur incompétence a coûté la vie à des dizaines de milliers de nos compatriotes », a accusé le chef du CHP, Kemal Kilicdaroglu.

La Turquie, qui s’est dotée en octobre d’une loi punissant la diffusion de « fausses nouvelles » de peines allant jusqu’à trois ans de prison, pointe à la 149e place sur 180 du classement 2022 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF).

L’accès à Twitter avait été bloqué pendant une douzaine d’heures en Turquie le 9 février sur les principaux fournisseurs de téléphonie mobile du pays, habitués à cette pratique. La restriction au réseau social avait suscité de multiples critiques visant la réponse du gouvernement au séisme, qui a fait près de 46 000 morts en Turquie et en Syrie.