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Ouverture du procès d'un policier belge pour la mort par balle d'une fillette kurde


Lundi 23 novembre 2020 à 10h52

Mons (Belgique), 23 nov 2020 (AFP) — Un portrait et des vêtements d'enfant devant un tribunal en souvenir de Mawda: le procès d'un policier belge pour homicide involontaire après la mort de la fillette kurde, atteinte par une balle lors d'une course-poursuite en 2018, s'est ouvert lundi à Mons.

Le procès, qui a débuté peu après 9H00 locales (08H00 GMT) au tribunal correctionnel de Mons (sud), a rapidement été suspendu pour régler un problème d'interprétariat. Il devrait reprendre en fin de matinée.

Le policier, dont l'identité n'a pas été révélée et qui comparaît libre, est jugé avec deux Kurdes d'Irak qui sont eux en détention provisoire: le chauffeur de la camionnette où se trouvaient Mawda et ses parents, et le passeur soupçonné de les avoir fait monter à son bord pour rejoindre l'Angleterre.

Les faits remontent à la nuit du 16 au 17 mai 2018, sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles. Une camionnette transportant une trentaine de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) accélère pour échapper à une voiture de police qui veut l'intercepter.

Face à ce refus d'obtempérer, l'un des policiers sort son arme par la fenêtre et vise, selon ses explications, "le pneu avant gauche" en doublant.

Mais un brusque coup de volant de son collègue dévie son tir vers l'habitacle du véhicule pourchassé, où Mawda, installée derrière le chauffeur, est touchée d'une balle dans la tête. La fillette de deux ans décède dans l'ambulance.

Dans ce dossier, l'auteur du tir, un homme d'une quarantaine d'années, ex-informaticien devenu policier, a rapidement reconnu avoir sorti son arme pour stopper la course folle du véhicule.

Mais il assure n'avoir jamais su que des migrants se trouvaient à bord et s'est dit "anéanti" par la mort de fillette.

"Avoir l'image de celui qui est responsable de la mort d'un enfant, c'est absolument épouvantable", a dit à l'AFP son avocat, Me Laurent Kennes.

En arrivant au tribunal, le pénaliste a expliqué que son client n'avait sorti son arme qu'à la demande de son collègue qui conduisait la voiture de police.

- "Faites du bruit" -

Quelques cris "Justice pour Mawda" ont retenti devant le palais de justice, où une corde avait été tendue pour y suspendre des vêtements d'enfant et un portrait de la fillette avec l'inscription "ni oubli ni pardon".

Le père, en noir, a refusé de s'exprimer devant les journalistes, laissant ses avocats répéter leur demande d'une requalification des faits en "homicide volontaire".

"Sortir son arme, la charger et tirer vers une camionnette remplie de migrants, ce n'est pas juste un défaut de prudence, on ne peut pas minimiser à ce point-là", a lancé l'une de ces conseils, Me Selma Benkhelifa.

Les parents de Mawda, partis d'Irak en 2015 (âgés de moins de 25 ans à l'époque), se sont installés en Belgique après le drame.

Leur fillette a été enterrée à Bruxelles en juillet 2018, et le couple bénéficie depuis février 2019 d'un droit de séjour pour des raisons humanitaires.

Aujourd'hui ils sont "contents, soulagés" que le procès arrive enfin, mais "c'est aussi une blessure qui se rouvre de devoir revivre l'événement, c'est difficile", a confié Me Benkhelifa.

Pour les soutenir, un collectif de citoyens dénonçant les violences policières et la répression anti-migrants a mobilisé des intellectuels et artistes du monde entier qui ont multiplié les interventions sur les réseaux sociaux.

"Faites du bruit. Ne les laissez pas balayer la mort d'un enfant sous le tapis", a ainsi lancé le cofondateur des Pink Floyd, Roger Waters, dans un "message aux Belges".

Pour la Ligue des droits humains (LDH) belge, "le meurtre de Mawda a eu lieu dans le cadre d'opérations de traques qui s'inscrivent dans une politique raciste de fermeture des frontières" au niveau européen.

Le procès, qui doit commencer par les témoignages d'un expert en balistique et d'un médecin légiste, doit durer jusqu'à mardi. Le tribunal devrait ensuite mettre son jugement en délibéré.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.