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Les Kurdes irakiens inquiets, surtout pour la santé des affaires


Lundi 22 octobre 2007 à 14h55

SOULEIMANIYEH (Irak), 22 oct 2007 (AFP) — Les habitants du Kurdistan irakien, qui jouissent d'une prospérité inégalée dans un pays en guerre, prenaient lundi les menaces d'incursion turque au sérieux, mais craignaient plus pour le commerce que pour leur sécurité.

"Les menaces turques peuvent conduire à la fermeture des frontières", s'inquiète Bahaa al-Din Muhi al-Din, un marchand et importateur de 43 ans, dans la ville de Souleimaniyeh, à 330 km au nord de Bagdad.

Son commerce, comme celui de milliers d'entrepeneurs dans cette région de quelque 5 millions d'habitants, dépend des importations de produits alimentaires, d'appareils électroniques et de fournitures en tous genres, qui arrivent par poids lourds de la Turquie voisine.

"Pour le moment la frontière est ouverte, mais si elle fermait cela provoquerait des dommages considérables", ajoute-t-il, en évoquant un des contrecoups d'une éventuelle attaque turque contre les bases des rebelles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Une conséquence immédiate serait une forte augmentation des prix sur les marchés de la région, commente Asso Tilawi, un changeur de Souleimaniyah.

Au mois de septembre, la frontière avec l'autre grand partenaire commercial du Kurdistan, l'Iran, est restée fermée pendant une semaine et les autorités locales ont alors assuré que l'économie de la région perdait un million de dollars par jour.

"Les évènements sont inquiétants. Si la Turquie mettait ses menaces à exécution, cela conduirait à des ennuis économique", estime encore Asso Tilawi.

Mais, pour le moment, les habitants de la région autonome n'ont pas cédé à la panique et n'ont pas pris de précautions particulières.

"Je n'ai pas entendu dire que les gens faisaient des réserves de nourritures ou de carburant", explique à Erbil, la capitale régionale, à 350 km au nord de Bagdad, un enseignant de 32 ans, Shamal Abou Baker.

"Si les villageois qui habitent dans les zones exposées aux bombardements ne fuient pas, comment pouvons nous, nous les citadins, céder à la panique", s'interroge-t-il.

Pour autant, assure le changeur Asso Tilawi: "La plupart des Kurdes sont inquiets, mais ils ne le montrent pas".

Et ils sont d'autant plus anxieux que les rebelles du PKK ont menacé de s'en prendre à une source première de revenus pour la région: l'oléoduc qui transporte 300.000 barils/jour des champs de pétrole de Kirkouk vers le terminal de Ceyhan, sur la côte méditerranéenne de la Turquie.

Une interruption du flot de pétrole aurait des conséquences négatives sur le Turquie, mais également sur l'Irak, a souligné auprès de l'AFP Amira al Baldawi, une député chiite membre de la commission du Parlement pour l'Economie, l'Investissement et la Reconstruction.

"Les Turcs tirent avantage du transport du pétrole, et ils perdraient des revenus s'il était interrompu", a-t-elle relevé, mais l'Irak aussi. "Les exportations de pétrole irakien et le port turc de Ceyhan seraient les premières victimes de ces hostilités", a-t-elle expliqué.

Lundi, des centaines de personnes ont protesté dans la ville de Kirkouk, contre les menaces turques. "Non à la Turquie, non à l'agression", ont scandé les manifestants devant le bureau du Parti Démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani, le président de la région autonome.

Mais des voix s'élèvent également au Kurdistan pour condamner ceux par qui les ennuis arrivent: "Il est vrai que le PKK lutte pour le droit des Kurdes en Turquie, mais il devrait être plus soucieux de la situation au Kurdistan irakien", estime Shamal Aziz, un fermier de 35 ans de la région de Sinkafar, proche du sanctuaire des rebelles.

Et il les appelle, comme les principaux responsables kurdes, à régler par la négociation leur différend avec la Turquie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.