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Les camionneurs turcs espèrent une détente turco-kurde pour leurs affaires


Dimanche 24 février 2008 à 13h55

HABUR (frontière turco-irakienne), 24 fév 2008 (AF — Une réconciliation entre la Turquie et les Kurdes d'Irak serait bénéfique pour le commerce et la déroute des séparatistes du PKK, cibles des troupes turques entrés en Irak, y contribuerait, estiment les camionneurs au poste-frontière de Habur.

Une longue queue de camions et de poids lourds s'étire jusqu'au poste situé dans le sud-est anatolien de la Turquie et qui est le seul séparant ce pays de l'Irak. Il faut parfois plus de trois jours pour passer de l'autre côté.

"Nous attendons des jours et des jours ici. Moi j'ai passé deux nuits sur le camp - destination obligatoire pour les poids lourds avant de traverser la frontière- avant de faire la queue", explique Aslan Öztürk qui transporte des ustensiles ménagers à destination d'Erbil, dans le nord de l'Irak.

Cet homme de 43 ans brave depuis vingt ans toutes les difficultés pour nourrir ses neuf enfants.

"Si les problèmes politiques entre la Turquie et les Kurdes irakiens s'estompent, nous rapporterons plus de pain à la maison", soupire-t-il devant son camion, dont il n'est que le chauffeur et non le propriétaire.

Il affirme n'avoir eu jamais affaire aux rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) contre lesquels les troupes turques ont lancé jeudi soir une offensive terrestre en Irak, ignorant les Kurdes qui administrent ce territoire.

Les soldats seraient entrés en Irak depuis une zone escarpée située à quelque 80 km plus à l'est.

Aucun signe extraordinaire de déploiement militaire n'est visible aux alentours de Habur. La vie est tout à fait normale.

"Ils (les rebelles) sont dans les montagnes, on les voit jamais", dit Lokman Alkan, qui lui aussi patiente dans la queue longue de près de deux kilomètres.

"Notre problème c'est la bureaucratie à la frontière, côté turc", se plaint cet homme de 30 ans. Son véhicule a pour cargaison 20 tonnes de boissons gazeuses et doit se diriger vers Souleymaniyeh, au nord du Kurdistan, fief du président irakien, Jalal Talabani, lui-même Kurde.

Pourtant entièrement rénové en 2006, l'unique poste-frontière est loin de satisfaire aux besoins du Kurdistan irakien en plein essor depuis l'invasion de l'Irak par les Américains en 2003.

Les Kurdes sont les alliés des Etats-Unis en Irak et leur région est relativement épargnée par les violences confessionnelles.

"Nous voulons que les Turcs et les Kurdes puissent s'entendre. Le PKK est un gros problème empêchant une entente", souligne Lokman.

La Turquie souhaite de longue date inaugurer un deuxième poste-frontière avec son voisin irakien mais les problèmes politiques avec la région kurde, de facto indépendante avec son drapeau et ses institutions, l'en empêchent.

Le gouvernement du Kurdistan irakien a menacé vendredi d'appeler la population de la région "à une résistance générale" si des civils étaient tués par l'armée turque lors de son incursion.

Ankara accuse les factions kurdes de ne pas en faire assez contre leurs "cousins" du PKK retranchés sur leur territoire. Outre le PKK, les velléités indépendantistes des Kurdes d'Irak inquiètent Ankara, qui estime qu'un Etat kurde indépendant pourrait servir d'exemple à sa population kurde.

Un aller-retour dure jusqu'à deux semaines et dans le meilleur des cas un camionneur ne peut faire que trois voyages par mois pour un salaire d'environ 600 euros.

Le commerce de mazout lucratif pratiqué pendant plus d'une décennie jusqu'à 2002 entre le Kurdistan irakien, qui échappait alors au contrôle de Bagdad, et la Turquie, a quasiment cessé.

Les camions turcs amenaient des vivres dans le nord de l'Irak pour ramener dans leurs citernes artisanales du mazout très bon marché qu'ils revendaient dans leur pays. Ces citernes sont abandonnées par dizaines aujourd'hui au bord des routes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.