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Le Kurdistan d'Irak confirme son verdict sévère contre journalistes et militants


Mardi 4 mai 2021 à 22h22

Erbil (Irak), 4 mai 2021 (AFP) — La Cour de cassation du Kurdistan irakien a confirmé mardi la condamnation à six ans de prison de cinq journalistes et militants, aggravant l'inquiétude des défenseurs des droits humains qui dénoncent procès "iniques" et tour de vis sécuritaire.

Les autorités de la région autonome affirment que les cinq hommes "ont des relations avec des entités étrangères et le Parti des travailleurs kurdes", le PKK, l'opposition kurde en Turquie, indique à l'AFP une source gouvernementale kurde.

Aso Hashem, avocat des cinq hommes, a déclaré à l'AFP que "trois des cinq juges de la Cour de cassation ont confirmé le jugement" prononcé le 16 février par un tribunal d'Erbil, capitale de la région tenue par le Parti démocratique du Kurdistan, du Premier ministre kurde Masrour Barzani.

L'ancien magistrat et député Latif Moustafa, qui a quitté le système judiciaire kurde en dénonçant sa politisation, a également confirmé à l'AFP le maintien du verdict en cassation "avec deux voix contre et trois pour".

Les journalistes Ayaz Karam, Kohidar Zebari et Sherwan Sherwani, ainsi que les militants Shivan Saïd et Harwian Issa répondaient de multiples chefs d'accusations.

Outre l'"incitation à manifester et à déstabiliser la région" --les cinq hommes ont couvert ou participé aux manifestations contre les retards de versements des salaires des fonctionnaires à la rentrée 2020-- ils répondaient également d'"espionnage" et de lutte "armée" ainsi que de "mauvais usage d'appareils électroniques".

"La nature du travail de ces individus n'a rien à voir avec le journalisme ou le militantisme mais s'inscrit dans le cadre d'un complot plus large et d'une entreprise de sabotage", ajoute la source gouvernementale, alors que les autorités kurdes ont publié des "aveux" enregistrés des cinq accusés.

Human Rights Watch (HRW) rapporte de son côté que les accusations ont été basées sur des publications sur les réseaux sociaux et des "informateurs secrets" que la défense n'a jamais pu interroger.

"Ces hommes ont été condamnés du fait d'une volonté politique partiale", accuse auprès de l'AFP Belkis Wille, chargée de l'Irak chez HRW. M. Sherwani, par exemple, est connu pour ses enquêtes sur la corruption et a critiqué sur Facebook le Premier ministre kurde.

La décision de la Cour de cassation "montre à quel point les autorités kurdes ont permis que soit sapée la libre expression", affirme Mme Wille.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) dénonçait en février une condamnation "injuste et disproportionnée" qui "prouve que le Kurdistan a mis fin à sa prétention de se soucier de la liberté de la presse".

Le Premier ministre Barzani avait lui affirmé lors d'une conférence de presse que "le Kurdistan soutient la presse et les droits des journalistes".

Lundi, journée mondiale de la liberté de la presse, Karoukh Othmane, également journaliste, était arrêté dans la province kurde de Souleimaniyeh, tenue elle par un autre clan familial, celui des Talabani.

Il y a peu, Karzan Fadhel, avocat et patron du Democracy and Human Rights development Center (DHRD) basé à Souleimaniyeh, affirmait à l'AFP recenser "74 détenus politiques à Erbil et Dohouk", tous "des opposants ou des manifestants interpellés à l'aveuglette".

bur/sbh/cls

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.