À Toulouse, ces Kurdes qu’on ne voit plus


1 février 2007
Jeunes correspondants - Nicolas Séné, animateur radio, Toulouse (Haute-Garonne).

Un froid glacial saisissait la Ville rose, en ce samedi après-midi. À 15 h 30, sur la place du Capitole, les Toulousains s’affairaient à la folle course des soldes, ignorant là le rassemblement qui se formait. Des banderoles étaient pourtant déployées, des drapeaux flottaient au vent. Mais rien n’y faisait. Personne ne voulait voir ces soixante hommes et femmes qui bravaient le froid pour la reconnaissance de leur peuple. Cette indifférence quasi générale est symptomatique du traitement des Kurdes à travers le monde.

Ce peuple issu d’une des plus vieilles civilisations est, en effet, éclaté dans le monde entier car dans chacun des pays (Turquie, Iran, Irak, Syrie) d’où ils sont originaires, ils sont persécutés. Ils ont cru voir un début de résolution quand le Kurdistan irakien a pris son autonomie sous Jalal Talabani, nommé président du pays en 2005. Mais l’espoir ne fut que de courte durée, la main des États-Unis, comme celles des Européens d’ailleurs, trace un Moyen-Orient selon ses propres intérêts.

À Toulouse, la communauté kurde n’en est pourtant pas à sa première action. Avant l’été dernier, 83 d’entre eux avaient entamé une grève de la faim pour alerter sur leur sort en Turquie. Ils y sont persécutés et l’on veut les assimiler à la population turque à part entière, niant par là même leur culture ancestrale. La manifestation de samedi n’est donc que la continuité d’une grève de la faim incomprise.

Ils protestaient contre l’emprisonnement de leur leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 dans les geôles de Turquie. Le mouvement d’Ocalan est, certes, scindé en deux factions depuis : ceux qui se sont ralliés à son frère Osman, qui renonce à toute confrontation armée ; et ceux qui restent dans les rangs d’Abdullah, qui a appelé à la lutte armée en 2004. Dans notre monde moderne, toute résistance est implacablement esquivée pour être proclamée terrorisme. Pour les autorités turques, Abdullah n’est donc qu’un terroriste.

L’Union européenne et les États-Unis, qui pourraient venir en aide au peuple kurde, s’excusent derrière la définition turque du mouvement. Les enjeux économiques n’y sont probablement pas pour rien. Le récent assassinat de Hrant Dink, cet écrivain arménien soutenant la cause kurde, par une folle équipée sauvage dont les auteurs n’ont pas trente ans, renforcent les Kurdes dans leur sentiment d’indifférence générale dont ils souffrent.

Ils ne veulent pourtant pas d’un État unique, rien que pour les Kurdes. Ils souhaitent l’avènement de réelles démocraties au Moyen-Orient, où ils pourraient participer dans chaque pays à l’épanouissement de leur culture. Une vision sans haine aucune qui force le respect quand on revient sur l’histoire kurde. En attendant, ici, en Europe, les Kurdes qui restent dans des situations précaires, souffrent bien plus de l’ignorance d’Occidentaux incultes. Ils n’ont en effet pas compris que le Moyen-Orient qu’ils ont eux-mêmes façonné renforce les extrémismes à leur égard.